mardi 25 janvier 2011

4. L’Entretien

J’avais répondu à cette annonce à tout hasard, je n’étais pas certaine de correspondre au profil recherché, du moins, si l’on regardait mon parcours, on ne m’embaucherait pas. Pourtant, j’avais décroché un entretien. Et dans cet entretien, je fondais de grand espoirs. Je ne me faisais pas d’illusions attention, j’avais vu les renseignements qu’il y avait sur le net, tiré ce qu’il y avait à en tirer, ce n’était pas avec ce job que je me ferais un salaire mirobolant non mais l’occasion était trop bonne, j’étais tombée sur quelque chose qui m’intéressait, et je comptais bien tenter ma chance.

J’étais tombée sur l’annonce au hasard de mes recherches internet, une jeune femme, se lançait dans la création d’entreprise, mais pas n’importe laquelle, elle comptait monter un nouveau magazine féminin, et elle cherchait ses futurs collaborateurs. Bizarrement, elle avait sélectionné mon cv, et m’avait donné rendez-vous dans un café, avec que nous discutions. 

Je n’avais pas hésité, surexcitée par l’idée, j’avais réfléchi pendant les trois jours de délais à ce que j’allais porter – il me fallait être élégante mais lookée – au maquillage que j’allais y associer. A la « trousse de secours » que j’emporterais dans mon sac à main. J’avais aussi vérifié cent fois sur google maps la localisation du café où elle m’avait donné rendez-vous, que je ne connaissais pas.

La seule compétence que j’avais à lui apporter ? Ma connaissance des blogs – même si je ne tenais mon propre blog beauté que depuis peu – mon envie d’aller de l’avant, ma totale implication dans ces petites choses intéressant les filles, produits de beautés, chaussures, fringues… Je connaissais assez bien le rayon et j’étais prête à m’investir d’avantage !

Je me préparais des heures à l’avance, tournant en rond dans mon appartement, le ventre noué, je tentais vainement de me détendre. J’arrivais au rendez-vous une bonne demi-heure en avance, et, un peu mal à l’aise, m’installait à une table. Je demandais au serveur un simple verre d’eau que j’essayais de ne pas descendre d’un trait – il n’aurait plus manqué que je sois aux toilettes lorsque mon rendez-vous arriverait…

La jeune femme arriva à l’heure, à ma grande surprise, c’était une jeune femme à peine plus âgée que moi, à l’apparence pas très soignée – cela me semblait étrange pour une jeune femme qui souhaitait tenir un magasine féminin, mais soit – qui me parait assez ouverte au premier abord. Elle me parla de son projet, de ses envies – elle souhaitait se tourner vers ce qui plaisait actuellement, ne pas proposer un magasine couvert de publicités, du streetstyle, des filles « comme vous et moi » – de ses ambitions pour son « bébé ». Souriante et sympathique, nous discutâmes pendant des heures à ce que je pourrais apporter à son magasine. En bonne blogueuse, le streetstyle, je connaissais assez bien, et j’aimais assez ça. Prendre en photo une fille lookée dans la rue, lui demander d’où venait ses fringues, ouvrir une petite fenêtre dans nos vies… J’adorais l’idée, et j’aimais beaucoup les idées de la jeune entrepreneuse que j’avais en face de moi. La nuit était tombée depuis longtemps lorsque je la laissais, je repris le métro songeuse, un sourire aux lèvres, car j’avais plutôt l’impression que le courant était bien passé entre nous et qu’elle allait, comme elle me l’avait promis, me rappeler très bientôt.

Les nouvelles se firent attendre, mais je reçu finalement une réponse froide et standard m’indiquant que mon profil ne correspondait pas au poste. La vague de déprime me submergea à nouveau. Le mail était tombé comme un couperet. Froid, impersonnel, il me touchait d’autant plus que j’avais attendu près de deux semaines d’avoir des nouvelles, quand la jeune femme m’avait promis une réponse sous quelques jours. Mais créer une entreprise est prenant et je m’étais sans doute bercée d’illusions. Je m’attendais à un coup de fil, je reçu ce mail, qui me fit monter le cœur dans la gorge, tant j’avais mis d’espoirs dans cet entretien.

Tous mes beaux rêves s’envolaient. J’avais vraiment cru voir la fin de ma période de chômage, j’avais imaginé des scénarios, réfléchi à ce que ce serait de bosser à la rédaction d’un magasine. Je me voyais déjà telle Andréa Sachs dans « Le Diable s’habille en Prada », avoir ce job « que des milliers de filles tueraient pour avoir »… et le rêve s’effondrait.

Oubliant toute idée positive, j’allumais la bouilloire et allait me faire couler un bain. Je revins préparer mon thé, laissais la porte de la salle de bain entrouverte pour pouvoir profiter de la musique qui venait de ma chambre.
Me glissant dans l’eau chaude, ma tasse à thé à portée de main, un roman à côté, j’espérais pouvoir oublier toute sombre pensée et me remettre de meilleure humeur. Je me laissais aller quelques minutes en attendant que la baignoire se remplisse correctement écoutant la musique en essayant de ne penser à rien, mais Lili m’interrompit de ses miaulements aigus de chaton. Tant bien que mal debout en bas de la baignoire, elle levait sa petite tête de bébé panthère noire vers moi, ses yeux verts amplis de détresse à l’idée de ne pouvoir être à côté de moi. 

La sortie du bain et la vue de produits de soin que je n’avais pas encore chroniqués sur mon blog me rappela que j’avais prévu, ce jour-là, de faire un article à ce sujet. Je soupirais, et découvrais les contraintes que pouvaient parfois imposer un blog. Bien évidemment, c’est selon les façons de faire de chacun, mais je venais d’ouvrir mon blog, il n’était pas question pour moi de me relâcher, de ne pas faire cet article que j’avais prévu, pourtant, je n’en avais présentement aucune envie, ma vie était ce qu’elle était, ça n’allait pas, je n’allais pas bien…

Je n’avais aucune envie non plus de m’épancher publiquement de mes malheurs, justifiant ainsi d’une période plus ou moins prolongée de non-articles… Je trainais en pyjama la moitié de la matinée, lisant des articles sur le net, me plongeant dans mes magasines, puis me décidait, en voyant le soleil à l’extérieur, à profiter de la belle lumière pour prendre mes photos. Puis, toujours en pyjama je pris le temps de rédiger mon article. 

Un dilemme me prenait tout de même, que faisait une blogueuse assidue qui n’avait pas le temps pendant quelques jours, ou pas le moral pour bloguer ? Devais-je me justifier auprès de mes lectrices ? Estimerais-je, selon le degré d’intimité de la chose que cela ne regardais que moi, que c’était mon blog et que je faisais ce que je voulais ? Etrangement, je ressentais un certain « devoir » envers celles qui prenaient le temps de venir me lire et me laisser un petit mot. Peut-être étais-ce parce que je ne bloguais pas depuis très longtemps, j’éprouvais une certaine crainte à ce que mes encore peu nombreuses lectrices s’en aillent si je ne publiais pas…
Je n’avais même pas le courage d’aller assouvir ma frustration dans un achat compulsif, j’étais absolument déprimée… Même les boutiques en ligne et leurs soldes constants n’arrivèrent pas attirer mon regard.

Ma seule consolation ce jour-là, furent les petits mots un peu plus nombreux que les jours précédents sur mon article, j’en compris la source lorsque je me connectais sur Hellocoton et m’aperçu que mon article faisait la Home de la page beauté. Une petite fierté s’empara de moi, je n’étais pas assez bien pour cette fille, pour son magasine à paraître, mais mes articles étaient appréciés sur le net, par un nombre de lectrices grandissant et par l’équipe de ce site… et cela, en soit, était une petite victoire.

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire